Port-au-prince,le 12 août 2025.Dans un pays où les institutions vacillent, où l’État semble s’être effacé, et où la population est abandonnée à son sort, les ambassadeurs étrangers se comportent en véritables souverains. Leur influence dépasse souvent celle des autorités haïtiennes elles-mêmes, qu’elles soient élues ou nommées. Une situation qui suscite indignation, frustration et, surtout, une profonde remise en question de la souveraineté nationale.

Entre influence et immixtion

Depuis des années, les grandes décisions concernant Haïti, qu’elles soient politiques, sécuritaires ou économiques, semblent émaner non pas du Palais national, mais des chancelleries étrangères. Ambassades des États-Unis, de la France, du Canada, de l’Union européenne : toutes pèsent lourd dans la balance. Que ce soit pour la nomination d’un Premier ministre, la mise en place d’un conseil présidentiel, la désignation d’un directeur général de la Police nationale ou encore l’élaboration d’un plan de sécurité, les diplomates tracent la ligne à suivre. Haïti, sans statut officiel, fonctionne comme un protectorat.

Une diplomatie de substitution

Les ambassadeurs ne se limitent plus à leur rôle traditionnel de médiateurs ou d’observateurs. Ils convoquent des réunions, émettent des instructions, valident ou bloquent les décisions internes. Ce pouvoir officieux, exercé sans légitimité démocratique, affaiblit les derniers fondements de la souveraineté nationale. En privé, de nombreux responsables politiques admettent qu’aucune décision majeure ne peut être prise sans l’aval d’un ambassadeur étranger.

Complicité dans le chaos

Mais que font réellement ces diplomates pour aider Haïti à sortir de la crise ? Leur silence face aux violations des droits humains, leur tolérance envers certains groupes armés et leur soutien à des figures politiques contestées soulèvent de graves interrogations. Sont-ils ici pour aider, ou pour protéger des intérêts géopolitiques et économiques, au détriment du peuple haïtien ?

Ils adoptent un discours selon lequel « c’est aux Haïtiens de résoudre leurs problèmes », tout en continuant de s’ingérer activement dans les affaires du pays. Avec la complicité des autorités haïtiennes qui, selon plusieurs analystes et citoyens, cherchent avant tout à plaire aux étrangers. Le professeur Lesly François Manigat parlait à ce propos de « la volonté d’être esclave ».

Entre hypocrisie et aide humanitaire

Sous couvert d’aide humanitaire ou de soutien international, les puissances étrangères affichent leur volonté d’aider Haïti. Mais les résultats tardent à venir. L’exemple le plus frappant : la Force Multinationale de Soutien à la Sécurité (MMSS), censée rétablir l’ordre, après.plus d’un an, elle se contente d’observer pendant que le pays s’enfonce dans la violence.

En 2023, l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC) publiait un rapport intitulé « Haiti’s Criminal Markets ». Ce document précisait que les armes à feu et les munitions alimentant les gangs proviennent principalement des États-Unis, notamment de la Floride, avec parfois un passage par la République dominicaine. Alors pourquoi les États-Unis, qui se disent défenseurs d’Haïti, ne prennent-ils pas les mesures nécessaires pour empêcher cette contrebande ? Le contraste entre les discours et les actes alimente un sentiment d’hypocrisie.

L’urgence d’un sursaut souverain

Face à cette situation, une question s’impose : peut-on construire un avenir collectif en laissant des diplomates étrangers tracer notre voie ? La coopération internationale est une nécessité. Mais l’acceptation passive d’une tutelle déguisée ne saurait être la solution.

Haïti n’a pas besoin de rois, mais d’alliés. Pas de donneurs d’ordres, mais de partenaires. Tant que les décisions cruciales seront prises dans les ambassades, et non au Parlement ou au sein de la société civile haïtienne, la démocratie restera une illusion, et la reconstruction du pays un rêve inaccessible.

Jean Gilles Désinord

Optimiste.Info

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