Par Jean Gilles Désinord

Les relations entre Haïti et les États-Unis reposent sur une histoire complexe, souvent effacée des mémoires officielles. Pourtant, un fait marquant subsiste : en 1779, des centaines de soldats noirs venus de Saint-Domingue (future Haïti) ont combattu aux côtés des troupes américaines lors de la bataille de Savannah pendant la guerre d’indépendance. Ce sacrifice, fondamental dans la construction des États-Unis, est aujourd’hui largement passé sous silence.

Optimiste.Info,le 31 août 2025

Des décennies d’ingérence et de domination

Malgré cette contribution historique, la posture américaine envers Haïti s’est transformée au fil des décennies en une suite d’ingérences politiques et économiques. L’occupation militaire de 1915 à 1934 reste un symbole fort : 19 années marquées par l’exploitation des ressources haïtiennes, la répression du peuple et l’imposition d’une Constitution au service des intérêts de Washington.

Depuis lors, chaque crise en Haïti devient un prétexte pour de nouvelles interventions extérieures, souvent déguisées en missions humanitaires ou en opérations de maintien de la paix. Ces actions, loin d’apporter des solutions durables, ont fragilisé les institutions nationales et accentué l’instabilité.

Une « aide » américaine à géométrie variable

Face à la montée actuelle de l’insécurité et de la violence des gangs en Haïti, les États-Unis annoncent, une fois de plus, des aides financières, la mobilisation de forces spéciales et la création de coalitions internationales. Mais dans les faits, les résultats sont maigres. Les promesses abondent, tandis que la population haïtienne reste livrée à elle-même.

Les vraies questions demeurent : Où étaient ces alliés lorsque le chaos s’installait ? Pourquoi tant de lenteur à agir efficacement ? Et surtout, pourquoi imposer des solutions sans consulter réellement le peuple haïtien ?

L’exemple du Kenya : un choix controversé

L’hypocrisie atteint un sommet lorsque les États-Unis, après avoir soutenu plusieurs missions de l’ONU en Haïti, optent désormais pour une force multinationale dirigée par le Kenya. Pourtant, cette mission a été jugée par Washington elle-même comme insuffisamment préparée à répondre à la gravité de la crise sécuritaire. Une décision symptomatique d’un traitement superficiel des problèmes haïtiens, et d’un désengagement politique voilé sous des discours de coopération.

Haïti face à une politique de deux poids, deux mesures

Le contraste est frappant lorsqu’on compare la réponse internationale à la guerre en Ukraine. Dès l’invasion russe, les États-Unis ont mobilisé des milliards de dollars, une diplomatie active, et un soutien logistique massif. Pourquoi un tel effort n’est-il pas envisageable pour Haïti, pourtant historiquement liée à l’indépendance américaine ?

Ce traitement différencié révèle une hiérarchisation des priorités et des souffrances. Il pose une question fondamentale : pourquoi certaines nations sont-elles dignes d’une solidarité totale, tandis que d’autres, comme Haïti, doivent se contenter de demi-mesures ?

Haïti réclame justice, pas assistance

Haïti ne cherche pas la charité. Elle ne demande pas de tutelle. Elle réclame le respect de son histoire, la reconnaissance de sa dignité, et surtout, la justice. Justice historique pour un peuple qui, le premier, a brisé les chaînes de l’esclavage, et qui a contribué à l’émergence même des États-Unis comme nation indépendante.

Aujourd’hui, alors que les discours politiques sur Haïti se multiplient, souvent vides de substance, il est temps d’écouter la voix des Haïtiens. Ils doivent être les premiers architectes de leur avenir. Un avenir fondé sur l’autodétermination, la mémoire, et la justice.

La Rédaction

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